Assistance administrative (CDI CH-FR)
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal




2C_1010/2022


Arrêt 23 juillet 2024

IIe Cour de droit public

Composition
Mmes et MM. les Juges fédéraux
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz, Hänni, Ryter et Kradolfer.
Greffière : Mme Vuadens.

Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Aurélia Rappo, avocate,
recourant,

contre

Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI,
Eigerstrasse 65, 3003 Berne,
intimée.

Objet
Assistance administrative (CDI CH-FR),

recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 23 novembre 2022 (A-3727/2021).


Faits :

A.
Le 28 mars 2018, la Direction générale des finances publiques françaises (ci-après: l'autorité requérante) a adressé une demande d'assistance administrative à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale), fondée sur l'art. 28 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales (ci-après: CDI CH-FR; RS 0.672.934.91). Les impôts concernés par la demande sont l'impôt sur le revenu des années 2010 à 2016 et l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2010 à 2017.
À la demande était annexé un tableau qui désignait par leur nom les contribuables visés, qui étaient tous résidents fiscaux en France durant la période concernée. Le nom de A.________ y figurait.
L'autorité requérante exposait que les personnes mentionnées dans le tableau n'avaient pas déclaré des comptes bancaires ouverts en Suisse au sein de la banque B.________ AG (ci-après: la Banque) dont elles étaient titulaires, bénéficiaires économiques ou au bénéfice d'une procuration, et qu'elles n'avaient pas non plus procédé à une régularisation fiscale de ces comptes. Elle précisait qu'elle avait interrogé ces personnes au sujet de ces comptes bancaires. En réponse, celles-ci n'avaient soit pas répondu, soit pas reconnu l'existence du compte concerné, soit reconnu l'existence du compte, mais partiellement ou sans fournir de documents justificatifs.
Sur la base de ces faits, l'autorité requérante demandait à l'Administration fédérale une série de renseignements sur chaque compte bancaire concerné pour la période allant du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2017 et, notamment, le nom du titulaire du compte, la qualité du contribuable (titulaire, bénéficiaire économique ou procuré), les états de fortune au 1er janvier des années 2010 à 2017, les relevés bancaires de la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2016 et la copie du formulaire A.
Le 7 juin 2019, le conseil de A.________ a informé l'Administration fédérale qu'il avait été mandaté pour le représenter dans le cadre de la procédure et a demandé la consultation des pièces du dossier. Le 18 juillet 2019, l'Administration fédérale lui a transmis l'intégralité des pièces du dossier et lui a indiqué les informations telles qu'elle prévoyait de les transmettre à l'autorité requérante. Par courrier du 26 août 2019, le mandataire de A.________ a transmis ses observations à l'Administration fédérale.

B.
Par décision finale du 16 juillet 2021 notifiée à A.________, en tant que personne concernée, ainsi qu'à C.________ SA (anciennement D.________ SA), E.________ SA et F.________, en tant que personnes habilitées à recourir, l'Administration fédérale a accordé l'assistance administrative à la France et décidé de lui transmettre les renseignements demandés concernant deux comptes bancaires.
A.________ a recouru contre cette décision finale auprès du Tribunal administratif fédéral, concluant à son annulation et au rejet de la demande d'assistance administrative. La cause a été enregistrée sous le n° A-3726/2021. Dans ce recours, A.________ a demandé au Tribunal administratif fédéral la jonction de la cause avec celle concernant le recours qu'il avait interjeté contre une autre décision finale du 16 juillet 2021 que l'Administration fédérale lui avait notifiée et qui concernait un compte bancaire ouvert au nom de la société G.________ SA (cause enregistrée sous le
n° A-3727/2021).
C.________ SA, E.________ SA et F.________ ont également recouru au Tribunal administratif fédéral contre la décision finale du 16 juillet 2021 qui leur avait été notifiée (cause enregistrée sous le n° A-3725/2021).
Le Tribunal administratif fédéral a statué par arrêt du 23 novembre 2022 dans la cause n° A-3726/2021. Après avoir refusé de joindre la procédure avec la cause n° A-3727/2021, il a jugé que les conditions de l'octroi de l'assistance administrative requise étaient remplies et que, contrairement à ce que A.________ soutenait, les formulaires A d'identification des ayants droit économiques des comptes bancaires devaient être transmis à l'autorité requérante même s'ils avaient été établis avant le 1er janvier 2010. En outre, et contrairement à ce que l'intéressé faisait valoir à titre subsidiaire, c'était à juste titre que l'Administration fédérale avait caviardé la date d'établissement figurant sur ces formulaires A. En effet, cette date, antérieure au 1er janvier 2010, n'était pas couverte par la demande d'assistance administrative et il n'appartenait par ailleurs pas à l'État requis de transmettre des renseignements qui allaient au-delà du champ d'application temporel de l'art. 28 CDI CH-FR. En conséquence, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours.

C.
A.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt A-3726/2021 du 23 novembre 2022 du Tribunal administratif fédéral. Sous suite de frais et dépens, il lui demande, à titre superprovisionnel et provisionnel, d'interdire à l'Administration fédérale de transmettre des informations ou des pièces le concernant à l'autorité requérante avant qu'il ne soit statué sur son recours; sur le fond, principalement, de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'interdiction est faite à l'Administration fédérale de transmettre les formulaires A des comptes n° xxx et yyy; subsidiairement, de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'interdiction est faite à l'Administration fédérale de caviarder les dates d'établissement des formulaires A des comptes n° xxx et yyy; plus subsidiairement, de renvoyer la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il requiert par ailleurs l'effet suspensif "conformément à l'art. 103 al. 2 let. d LTF".
Le Tribunal administratif fédéral se réfère à son arrêt. L'Administration fédérale conclut au rejet du recours. Le recourant s'est déterminé.

D.
Par arrêts du 23 novembre 2022, le Tribunal administratif fédéral avait également rejeté le recours de C.________ SA, E.________ SA et F.________ dans la cause n° A-3725/2021, ainsi que le recours formé par A.________ dans la cause n°A-3727/2021 (supra let. B). F.________ et A.________ ont recouru contre l'arrêt les concernant auprès du Tribunal fédéral. Par arrêts 2C_1012/2022 et 2C_1013/2022 du 23 décembre 2022, le Tribunal fédéral a déclaré leurs recours respectifs irrecevables.


Considérant en droit :

1.
Selon l'art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d'entraide administrative internationale, à l'exception de l'assistance administrative en matière fiscale. Il découle de l'art. 84a LTF que, dans ce dernier domaine, le recours n'est recevable que lorsqu'une question juridique de principe se pose ou lorsqu'il s'agit, pour d'autres motifs, d'un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 2 LTF.

1.1. Selon la jurisprudence, la présence d'une question juridique de principe suppose que la décision en cause soit importante pour la pratique; cette condition est en particulier réalisée lorsque les instances inférieures doivent traiter de nombreuses causes analogues ou lorsqu'il est nécessaire de trancher une question juridique qui se pose pour la première fois et qui donne lieu à une incertitude caractérisée, laquelle appelle de manière pressante un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral (ATF 139 II 404 consid. 1.3; arrêt 2C_289/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.2.1 non publié in ATF 142 II 218).

1.1.1. Le recourant soutient que la présente cause soulève deux questions juridiques de principe.

1.1.1.1. La première porte sur la durée des effets juridiques de la documentation bancaire établie lors de l'ouverture d'un compte bancaire et qui inclut le formulaire A d'identification de l'ayant droit économique. Il s'agit de savoir combien de temps cette documentation peut représenter un renseignement vraisemblablement pertinent, en particulier lorsqu'elle a été établie à une date antérieure à la période visée par la demande d'assistance administrative. Le Tribunal fédéral n'aurait jamais précisé cette durée et cette question devrait partant être clarifiée. Cette question trouve toutefois déjà une réponse dans la jurisprudence (infra consid. 5.2). Elle ne soulève donc pas de question juridique de principe (cf. déjà l'arrêt 2C_1013/2022 du 23 décembre 2022 consid. 2.1.2).

1.1.1.2. La seconde question juridique de principe invoquée concerne le caviardage de la date d'établissement des formulaires A. Le recourant relève que le Tribunal administratif fédéral a confirmé que les formulaires A devaient être transmis à l'autorité requérante quand bien même ils avaient été établis avant le 1er janvier 2010, mais que leur date d'établissement devait être caviardée parce qu'elle contenait une information qui n'est pas couverte par la demande et que la CDI CH-FR ne permettait pas de transmettre des renseignements concernant des périodes antérieures au 1er janvier 2010. La question du caviardage des dates d'établissement des formulaires A requérait par conséquent un éclaircissement de la part du Tribunal fédéral.
La question soulevée, qui revient à se demander si l'autorité suisse requise peut caviarder la date d'établissement d'un formulaire A tout en transmettant ledit document à l'autorité requérante au motif qu'il contient des renseignements vraisemblablement pertinents, est importante en pratique et nécessite une clarification du Tribunal fédéral. Elle revêt donc les caractéristiques d'une question juridique de principe au sens de l'art. 84a LTF.

1.2. Au surplus, le recourant, qui a qualité pour agir (cf. art. 89 al. 1 LTF), a recouru en temps utile (art. 100 al. 2 let. b LTF) et dans les formes prévues (art. 42 LTF).

1.3. Il convient donc d'entrer en matière.

2.
En matière d'assistance administrative internationale en matière fiscale, le recours a un effet suspensif de plein droit en vertu de l'art. 103 al. 2 let. d LTF. La requête correspondante du recourant n'a donc pas d'objet (arrêt 2C_912/2022 du 26 avril 2024 consid. 2.3 et la référence). Pour la même raison, les requêtes de mesures provisionnelles et superprovisionnelles figurant dans le recours, visant à interdire à l'Administration fédérale de transmettre des informations ou des pièces le concernant à l'autorité requérante avant qu'il ne soit statué sur le recours, sont également sans objet.

3.

3.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, en vertu de l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine la violation de droits fondamentaux, que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 149 III 81 consid. 1.3; 148 I 127 consid. 4.3; 145 V 304 consid. 1.2).

3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des situations visées à l'art. 105 al. 2 LTF.

4.

4.1. L'assistance administrative est régie en l'espèce par l'art. 28 CDI CH-FR dans sa version actuelle, qui résulte de l'art. 7 de l'Avenant à la Convention conclu le 27 août 2009 (RO 2010 5683; ci-après: l'Avenant), ainsi que par le chiffre XI du Protocole additionnel, introduit par l'art. 10 de l'Avenant. Conformément à l'art. 11 par. 3 de l'Avenant, ces dispositions s'appliquent aux demandes d'échange de renseignements concernant toute année civile ou tout exercice commençant à compter du 1er janvier de l'année qui suit immédiatement la date de signature de l'Avenant, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2010 (arrêt 2C_1087/2016 du 31 mars 2017 consid. 2.1).

4.2. Au plan interne, la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF; RS 651.1), applicable en l'espèce, concrétise l'exécution en Suisse de l'assistance administrative en matière d'échange de renseignements sur demande (cf. art. 1 LAAF).

5.
Devant le Tribunal fédéral, le recourant ne remet plus en cause le fait que les conditions de l'assistance administrative sont remplies le concernant. Il soutient seulement que les formulaires A des comptes bancaires ouverts au nom de E.________ SA et de D.________ SA (actuellement C.________ SA) ne constituent pas des renseignements vraisemblablement pertinents. De son point de vue, un formulaire A doit être considéré comme dénué de force probante s'il n'est pas renouvelé trois ans après son établissement. Or, tel serait le cas du formulaire A du compte bancaire ouvert au nom de E.________ SA, qui aurait été établi en 2006. Les formulaires A contiendraient en outre des informations inexactes, car le recourant n'avait pas le contrôle des sociétés titulaires des comptes bancaires au 1er janvier 2010 et qu'il a même vendu ses parts dans ces deux sociétés en septembre 2014. En confirmant leur transmission, le Tribunal administratif fédéral aurait par conséquent violé l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR.
À titre subsidiaire, le recourant fait valoir que si le caractère transmissible des formulaires A devait être confirmé, la date de leur établissement ne doit pas être caviardée, car il s'agit d'un élément déterminant pour juger de la pertinence de la pièce et en apprécier la portée juridique. Priver ce document de sa date d'établissement serait incohérent et juridiquement insoutenable. Cela représenterait en outre une violation du droit à la preuve et du droit d'être entendu, car cela empêcherait tant le justiciable que l'autorité requérante de "contextualiser un document par rapport à une chronologie et à une temporalité".

5.1. Selon l'art. 28 par. 1 CDI CH-FR, les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente Convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des États contractants, de leurs subdivisions politiques ou de leurs collectivités locales dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la Convention. L'échange de renseignements n'est pas restreint par les art. 1 et 2.
L'art. 28 par. 1 CDI CH-FR est calqué sur l'art. 26 par. 1 du Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune (MC OCDE). Selon la jurisprudence, la condition de la pertinence vraisemblable des renseignements requis dans une demande d'assistance administrative fondée sur une clause conventionnelle calquée sur l'art. 26 par. 1 MC OCDE est réputée réalisée si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents. En revanche, peu importe qu'une fois fournie, il s'avère que l'information demandée soit finalement non pertinente (cf. notamment ATF 145 II 112 consid. 2.1.1; 144 II 29 consid. 4.2.2; 144 II 206 consid. 4.3; 142 II 161 consid. 2.1.1). L'appréciation de la pertinence vraisemblable des informations demandées est en premier lieu du ressort de l'État requérant. L'État requis se limite à examiner si les documents demandés ont un rapport avec l'état de fait présenté dans la demande et s'ils sont potentiellement propres à être utilisés dans la procédure étrangère (cf. ATF 148 II 336 consid. 7.2; 142 II 161 consid. 2.1.1).

5.2. Les renseignements propres à déterminer si la personne visée par une demande d'assistance administrative est l'ayant droit économique d'une relation bancaire sont vraisemblablement pertinents pour éclaircir la situation fiscale de cette personne (ATF 141 II 436 consid. 4.6). En effet, être le titulaire juridique d'un compte bancaire n'est pas le seul moyen de disposer des avoirs déposés sur un compte bancaire. L'ayant droit économique d'un compte bancaire peut détenir un tel pouvoir de disposition (ATF 147 II 116 consid. 5.3.2 in fine et consid. 5.3.3). Identifier l'ayant droit économique d'un compte bancaire lors de son ouverture est du reste une obligation pour une banque en tant qu'intermédiaire financier. L'art. 4 LBA (RS 955.0) dispose ainsi que l'intermédiaire financier doit requérir de son cocontractant une déclaration écrite indiquant la personne physique qui est l'ayant droit économique, notamment si le cocontractant ne l'est pas ou qu'il y a un doute à ce sujet (art. 4 al. 2 let. a LBA) ou si le cocontractant est une société de domicile (cf. art. 4 al. 2 let. b LBA; ATF 147 II 116 consid. 5.3.3). À cet égard, le formulaire A, que les intermédiaires financiers exigent lors de l'ouverture d'un compte bancaire afin identifier la personne physique qui en est l'ayant droit économique, jouit d'une crédibilité accrue et revêt la qualité de titre (ATF 148 IV 288 consid. 4.1.3; 145 IV 470 consid. 8.3.3.2; 139 II 404 consid. 9.9.2 et les références). Le formulaire A est donc un renseignement vraisemblablement pertinent pour éclaircir la situation fiscale d'une personne visée par une demande d'assistance administrative.
Par ailleurs, le Tribunal fédéral a précisé que la documentation d'ouverture d'un compte bancaire peut être transmise à l'autorité requérante même si elle a été établie avant la date à partir de laquelle des renseignements peuvent être communiqués. En effet, comme la documentation d'ouverture d'un compte bancaire régit la relation entre la banque et le client pour toute la durée de celle-ci, elle représente un renseignement vraisemblablement pertinent pour les périodes fiscales ultérieures et doit donc être transmise. Les rubriques de cette documentation qui ne remplissent pas la condition de la pertinence vraisemblable pour les années fiscales couvertes par la demande doivent toutefois être caviardées (cf. arrêt 2C_703/2020 du 15 mars 2021 consid. 7.4.2 et 7.4.3, publié in Archives 90 p. 279). Ce caviardage permet de limiter la transmission à l'autorité requérante aux seuls renseignements demandés qui sont vraisemblablement pertinents pour éclaircir sa situation fiscale durant la période couverte par la demande.

5.3. Il découle de ce qui précède qu'en tant qu'élément faisant partie de la documentation d'ouverture d'un compte bancaire, un formulaire A doit être transmis à l'autorité requérante, car il fournit des indications vraisemblablement pertinentes pour éclaircir la situation fiscale de la personne visée durant les années concernées par la demande d'assistance administrative, mais que les informations que ce formulaire A contient et qui ne sont pas vraisemblablement pertinentes pour les périodes fiscales visées par la demande doivent être caviardées.

5.4. La date d'établissement d'un formulaire A qui est antérieure à la période pour laquelle des renseignements sont demandés entre dans la catégorie des informations qui doivent être caviardées. En effet, cette date permet de savoir quand le compte a été ouvert et depuis quand les personnes qui y figurent en sont titulaires ou ayants droit économiques. Il s'agit donc là d'une information qui ne concerne pas la période couverte par la demande, mais uniquement le passé. En d'autres termes, cette date ne fournit pas un renseignement vraisemblablement pertinent pour éclaircir la situation fiscale de la personne concernée durant la période (ultérieure) couverte par la demande. Elle doit ainsi être supprimée, afin d'éviter de transmettre à l'autorité requérante un renseignement qui concerne une période non couverte par la demande. En revanche, rien n'empêche une personne concernée de fournir spontanément les informations temporelles qui ont été caviardées sur le formulaire A au cours de la procédure interne devant l'État requérant, si elle estime que ces indications lui sont utiles compte tenu de sa situation particulière.

5.5. En l'occurrence, l'autorité requérante a demandé à l'Administration fédérale qu'elle lui transmette une série de renseignements sur les comptes bancaires ouverts au sein de la Banque dont le recourant serait titulaire, ayant droit économique ou pour lequel il serait au bénéfice d'une procuration, pour la période allant du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2017, en vue d'éclaircir sa situation fiscale pour cette période. Les renseignements demandés incluent les formulaires A d'identification des ayants droit économiques des comptes bancaires en question. Conformément à la jurisprudence qui vient d'être rappelée (supra consid. 5.2), ces formulaires A représentent des renseignements vraisemblablement pertinents pour évaluer la situation fiscale du recourant pour la période allant du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2017. En effet, ces documents sont propres à identifier les comptes bancaires sur lesquels le recourant avait potentiellement un pouvoir de disposition durant les années 2010 à 2017 et, partant, à permettre à l'autorité requérante d'intégrer, le cas échéant, dans son chef des revenus et/ou des éléments de fortune qu'il n'aurait pas déclarés durant cette période. Le point de savoir si, comme il l'allègue, le recourant n'avait plus de contrôle sur les sociétés titulaires des comptes au 1er janvier 2010 et qu'il avait vendu ses participations dans ces deux sociétés en septembre 2014 n'est pas propre à remettre en cause la pertinence vraisemblable des formulaires A. Ces objections devront, le cas échéant, être soulevées devant les autorités compétentes de l'État requérant dans un procès au fond. En confirmant que les formulaires A d'ouverture des comptes devaient être transmis à l'autorité requérante en tant que renseignements vraisemblablement pertinents, le Tribunal administratif fédéral n'a donc pas violé l'art. 28 CDI-FR.

5.6. L'arrêt attaqué n'est pas non plus critiquable en tant qu'il a confirmé que la date d'établissement des formulaires A devait être caviardée parce qu'elle était antérieure au 1er janvier 2010. En effet, l'autorité requérante a demandé et va obtenir les états de fortune et les relevés bancaires des comptes bancaires concernés pour une période commençant le 1er janvier 2010. Elle ne va donc recevoir aucune information sur les rendements et les avoirs figurant sur les comptes bancaires concernés pour la période antérieure à cette date. Or, la date d'établissement des formulaires A n'a d'intérêt que pour les périodes antérieures au 1er janvier 2010. Elle ne fournit aucun renseignement vraisemblablement pertinent concernant la situation fiscale du recourant pour la période à compter du 1er janvier 2010 visée par la demande. En outre, communiquer cette date reviendrait à transmettre une information qui excède le champ d'application temporel de l'art. 28 CDI CH-FR (supra consid. 4). La position du Tribunal administratif fédéral n'est donc, quoi qu'en dise le recourant, ni incohérente ni juridiquement insoutenable.
A cela s'ajoute que l'on ne voit pas en quoi le caviardage des dates d'établissement des formulaires A pourrait porter préjudice au recourant, alors que cette mesure permet précisément d'éviter de transmettre aux autorités française d'autres renseignements que ceux qui sont vraisemblablement pertinents. Celui-ci ne l'explique du reste pas précisément, puisqu'il se limite à alléguer que ce caviardage l'empêcherait de "contextualiser" ce formulaire A "par rapport à une chronologie et à une temporalité".
Il faut rappeler que le but de l'assistance administrative internationale fiscale sur demande consiste à transmettre à l'État requérant des renseignements vraisemblablement pertinents au regard du but fiscal annoncé. Les droits procéduraux que la LAAF confère à la personne visée durant la procédure d'exécution de la demande en Suisse (cf. art. 15 al. 1 LAAF; CHARLOTTE SCHODER, StAhiG, Praxiskommentar zum Bundesgesetz über die internationale Amtshilfe in Steuersachen, 2014, n° 196-199 ad art. 15 StAhiG) ne comprennent pas le droit d'exiger de l'Administration fédérale qu'elle transmette des renseignements qui ne sont pas vraisemblablement pertinents ou dont cette personne prétend avoir besoin pour se "défendre" dans une procédure au fond qui pourrait être ouverte à l'avenir dans l'État requérant. Le refus du Tribunal administratif fédéral n'est donc pas critiquable non plus sous l'angle du droit d'être entendu ou du droit à la preuve. Au demeurant, comme indiqué (supra consid. 5.4 in fine), rien n'empêche le recourant de fournir les indications temporelles qui ont été supprimées sur le formulaire A durant la procédure devant l'État requérant.

6.
Ce qui précède conduit au rejet du recours. Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).




Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, à l'Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI, et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.


Lausanne, le 23 juillet 2024

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente : F. Aubry Girardin

La Greffière : S. Vuadens